
Le territoire
La géographie du territoire
Le Québec fait partie du Canada, le pays le plus au nord de tous les pays d’Amérique. Avec ses dix millions de km2 (kilomètres carrés), le Canada est le deuxième plus grand pays au monde, après la Russie.
Le Canada, tel qu’on le connaît de nos jours, a été fondé en 1867. Il compte dix provinces, dont celle du Québec, et trois territoires. Pour traverser le pays d’est en ouest, il faut parcourir près de 7 000 km. L’importance des distances qui séparent les principales villes du Canada fait en sorte que les échanges qu’elles ont entre elles sont souvent moins intenses que les échanges qu’elles ont avec des villes des États-Unis situées juste au sud de la frontière. Par exemple, 400 km séparent Montréal de Boston et 550 km de New York, alors qu’il faut parcourir près de 1 300 km pour aller de Montréal à Halifax et rejoindre la côte atlantique du Canada, et jusqu’à 4 800 km pour aller à Vancouver et rejoindre la côte pacifique.

Avec ses 1 667 441 km2, le Québec est la plus grande province du Canada; son territoire représente 15,5 % de celui du pays. Sa superficie est trois fois plus grande que celle de la France. Il faut toutefois se méfier de ce type de comparaisons, puisqu’une grande partie du territoire du Québec est peu ou pas habitée : la majorité de la population vit au sud de la province, le long du fleuve Saint-Laurent.
Le Québec se caractérise par la grande présence de la forêt, qui recouvre près de la moitié du territoire, mais également par l’omniprésence de l’eau. On compte, au Québec, un million de lacs et 132 000 cours d’eau. Les nappes d’eau douce couvrent 21 % du territoire et représentent 3 % des réserves mondiales. Le fleuve Saint-Laurent est l’une des plus grandes voies navigables au monde. Avec ses 1 600 km de long, il a marqué l’histoire du développement du Québec.
Le Québec est divisé en dix-sept régions administratives que vous pourrez parcourir dans la section de l'outil qui leur est consacrée.
LE SAVIEZ-VOUS ?
Le Québec est parfois appelé « La Belle Province ».
Ce nom a d’ailleurs été donné à une chaîne de restauration rapide fondée à Montréal en 1967
par un immigrant grec. Des franchises de La Belle Province se trouvent aujourd’hui partout sur le territoire.
La Belle Province est aussi le titre d’un album de Lucky Luke dans lequel
le cowboy solitaire vient faire un tour au Québec.

La découverte du territoire
L’exploration du territoire par les Européens
La découverte du territoire
L’exploration du territoire par les Européens
Originaire de Saint-Malo, Jacques Cartier est le premier Européen à naviguer sur le fleuve Saint-Laurent. Lors de ses trois voyages, entre 1534 et 1542, il explore le territoire, rencontre les peuples autochtones qui y vivent et le nomme Canada, à partir du mot kanata qui, dans la langue wendate, désigne un village ou une bourgade. Deux jeunes Wendats lui ayant indiqué le chemin du kanata de Stadaconé, le futur lieu d’établissement de la ville de Québec, il croit que ce mot désigne tout le pays. Il faudra toutefois attendre près de 75 ans avant que la France décide d’implanter une colonie sur ce territoire. Passant à nouveau par le golfe du Saint-Laurent puis par le fleuve du même nom, Samuel de Champlain y établit, en 1608, la première colonie française permanente en Amérique du Nord. Comme Cartier avant lui, Champlain s’inspire des langues autochtones pour nommer la ville qui est aujourd’hui la capitale de la province. Le mot kébec était utilisé par les Malécites (Wolastoqiyik) pour désigner le détroit ou le rétrécissement du fleuve qu’on peut encore observer de nos jours à cet endroit. |

Théophile Hamel, Jacques Cartier, 1848
Huile sur toile, 130 x 96,9 cm
Collection du Musée national des beaux-arts du Québec.
Achat (2009,12)
Photo : MNBAQ, Jean-Guy Kérouac
LE SAVIEZ-VOUS ?
Beaucoup de toponymes (noms de lieux) québécois sont issus des langues et cultures autochtones.

Photo : Agnès Blais, 2025

Pour vous en rendre compte, écoutez la chanson « Mishapan Nitassinan »
de Chloé Sainte-Marie et réalisez l’activité « Les autochtones et le territoire ».

MARC-AURÈLE DE FOY SUZOR-CÔTÉ
Après des études à l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris à la fin du XIXe siècle, Marc-Aurèle de Foy Suzor-Coté développe une grande habileté en peinture d’histoire et en peinture de genre, alors populaires auprès du public.
La toile Jacques Cartier rencontre les Indiens à Stadaconé révèle toutefois la posture colonisatrice de l’époque, à la fois par son titre
(on utiliserait aujourd’hui Autochtones ou, mieux, Iroquoiens)
et par sa composition qui place les Européens en position de supériorité.
Marc-Aurèle de Foy Suzor-Coté,
Jacques Cartier rencontre les Indiens à Stadaconé, 1535, 1907
Huile sur toile, 266 x 401 cm
Collection du Musée national des beaux-arts du Québec, 1934. Achat. (1934.12)
Photo : MNBAQ, Jean-Guy Kérouac

Pour en savoir plus sur Marc-Aurèle de Foy Suzor-Côté,
voir l'activité « Les peintres de la vie rurale ».
Il y avait en effet tout un monde en Amérique bien avant l’arrivée des Européens : le territoire était occupé depuis au moins 8 000 ans avant Jésus-Christ par les membres des Premiers Peuples (Premières Nations et Inuit). Au XVIe siècle, l’actuel territoire du Québec était habité par les Inuit, qui peuplaient le Grand Nord autour de la baie d’Hudson, ainsi que par les Algonquiens dans le nord du Québec et les Iroquoiens le long du fleuve Saint-Laurent et des Grands Lacs. Ces Autochtones ont grandement contribué à la « découverte » de l’Amérique du Nord par les Européens, et ce, au prix de leur assujettissement et de l’effacement de leur histoire. Jocelyn Sioui évoque ceci dans son livre Mononk Jules, qui retrace l’histoire de son grand-oncle Jules Sioui.

À la petite école1, on nous a enseigné que Cartier a découvert le Kanada en 1534, une terre déjà habitée par des milliers de personnes. Si on est chanceux, on a aussi appris que Donnacona est le chef iroquoien qui est venu à sa rencontre et que ses deux fils, Taignoagny et Domagaya, sont repartis avec Cartier en France. Le but était principalement de faire un échange linguistique dans l’espoir de faire des affaires et de faciliter les communications. Les deux fils sont revenus au village de Stadaconé avec Cartier lors de son deuxième voyage, en 1535.
Ce qu’on sait moins, c’est que Cartier a ni plus ni moins fait une déclaration de guerre aux Iroquoiens durant ce deuxième voyage. […]
Durant la nuit, les hommes de Cartier en profitent pour kidnapper Donnacona, ses fils et sept autres Iroquoiens, ils les embarquent sur le bateau et mettent les voiles vers la France.
Image : Mélanie Baillairgé
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1 petite école : école primaire
2 de leur plein gré : volontairement
3 vulgaire trophée : objet de fierté, mais sans grande importance
On a dit très longtemps qu’ils étaient partis de leur plein gré2, c’est ce qu’on a voulu faire croire aux Iroquoiens pendant des générations. Donnacona a été transporté vers le roi comme un vulgaire trophée3. On raconte qu’il a été bien traité, sauf qu’il n’est jamais revenu chez lui. On prétend même qu’il ne souhaitait plus revenir depuis qu’il était entré en contact avec la «civilisation».

Activités pédagogiques complémentaires :
- La Nouvelle-France (texte de Éric Bédard)
- La vie des habitants en Nouvelle-France (vidéo de Jacques Lacoucière)
- Les mots de la Nouvelle-France (texte de Jacques Lacourcière)
- Les premiers habitants du Nouveau Monde (texte de Jacques Lacourcière)
La description du territoire
Il est d’usage de faire remonter les débuts de la littérature canadienne aux récits des découvreurs. Bien qu’appartenant d’abord à la littérature française, car rédigées par des Français et publiées dans la métropole, les relations de voyage des explorateurs, comme Jacques Cartier ou Samuel de Champlain, et celles des missionnaires (jésuites, récollets ou ursulines) constituent une part importante de l’héritage littéraire et historique canadien. Ces textes témoignent en effet des premiers temps de la Nouvelle-France, des rapports avec les nations autochtones, des conflits avec les colonies anglaises, mais aussi de la découverte, par les Européens, de la faune et de la flore du Québec. Cela donne lieu à des descriptions à la fois précises et originales de certaines espèces indigènes, comme celle du castor qu’on retrouve dans les Nouveaux voyages en Amérique septentrionale du baron de Lahontan.
AMPLE DESCRIPTION DES CASTORS
Extrait de la Lettre XVI des Nouveaux voyages en Amérique septentrionale par le baron de Lahontan, 1703
Lahontan, « Lettre XVI » (extrait), Nouveaux voyages en Amérique septentrionale, Montréal, L’Hexagone/Minerve, 1983, p. 194-195.
Texte légèrement modifié pour faciliter la lecture et la compréhension.
Un grand castor a vingt-six pouces 1 de longueur de l’occiput 2 à la racine de la queue; […] sa queue fait bien l’étendue de quatorze pouces, elle en a six de largeur et, au milieu, elle est épaisse d’un pouce et deux lignes. Cette queue est d’une figure ovale, l’écaille dont elle est couverte est un hexagone irrégulier […]. Cet animal se sert de sa queue pour porter de la boue, de la terre et toutes les autres matières dont sont formées les digues 3 et les cabanes qu’il construit par un instinct admirable. […]
Ses pattes sont faites à peu près comme la main d’un homme, et il s’en sert pour manger à la manière des singes […]. Ses yeux, plus petits que grands en proportion de son corps, sont de la figure des rats. Il a, sur le devant de son museau, quatre dents de défense, deux à chaque mâchoire, comme les lapins, et seize molaires, huit en haut et huit en bas.
Ses dents de défense, ou incisives, ont plus d’un grand pouce de longueur, et un quart de largeur; avec cela, elles sont fortes et tranchantes comme un sabre de Damas4. Cet animal, secondé par ses confrères – pardonnez-moi ce terme-là, j’entends d’autres castors – coupe des arbres gros comme des barriques 5. Je n’aurais jamais cru cela si je n’avais remarqué moi-même plus de vingt troncs de ces arbres coupés. Son poil est double : l’un est long, noirâtre, luisant et gros comme du crin; l’autre est délié, uni, long de quinze lignes pendant l’hiver; en un mot : le plus fin duvet qui soit au monde. […] La chair en est délicate l’hiver et l’automne, mais il faut la faire rôtir pour la manger tout à fait bonne.
Voilà, Monsieur, la description exacte de ces prétendus amphibiens 6, dont les ouvrages sont la production d’une si fine structure, qu’à peine l’art peut-il fournir rien d’aussi beau.

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1 pouce : unité de mesure anglaise,
équivalente à 2,5 cm
2 occiput : tête
3 digues : barrages
Dessin d’un castor
baron de Lahontan, Nouveaux voyages en Amérique septentrionale, 1703.
4 Damas : acier très fin
5 barriques : tonneau d’environ 200 litres
6 amphibiens : classe d’animaux qui inclut notamment les grenouilles

LE SAVIEZ-VOUS ?
Par ses œuvres sur la Nouvelle-France et ses habitants, le baron de Lahontan lance le mythe
du « bon sauvage » qui inspirera Rousseau, Voltaire, Swift et Diderot tout au long du XVIIIe siècle.
Il serait aussi à l’origine de la rumeur – persistante dans l’histoire du Québec – selon laquelle
les Filles du Roy auraient été des filles de joie.
L’arrivée sur le territoire actuel : le point de vue des immigrants
Si les Français ont « découvert » l’Amérique et décidé de s’y installer aux XVIe et XVIIe siècles, les immigrants d’origines diverses qui, depuis ce temps, ont choisi de s’établir au Québec ont vécu à leur tour les sentiments de surprise et de dépaysement de Cartier, de Champlain ou de Lahontan. Malgré l’information disponible de nos jours, l’arrivée dans un nouveau pays continue d’entraîner cette impression de découverte d’un territoire inconnu.
Comme les premiers explorateurs et les missionnaires qui écrivaient à leurs commanditaires européens pour les informer de leurs observations et de leurs progressions dans la découverte du nouveau territoire, le roman Les Lettres chinoises de Ying Chen présente la correspondance entre Yuan, un étudiant chinois qui arrive à Montréal, et Sassa, sa copine restée à Shanghai. Dans les deux extraits présentés, Yuan décrit son arrivée à Montréal et ses impressions des rues de la métropole, tout en faisant des liens avec des éléments familiers de sa vie en Chine. Il espère ainsi convaincre Sassa de le rejoindre.
L’arrivée sur le territoire actuel : le point de vue des immigrants
Si les Français ont « découvert » l’Amérique et décidé de s’y installer aux XVIe et XVIIe siècles, les immigrants d’origines diverses qui, depuis ce temps, ont choisi de s’établir au Québec ont vécu à leur tour les sentiments de surprise et de dépaysement de Cartier, de Champlain ou de Lahontan. Malgré l’information disponible de nos jours, l’arrivée dans un nouveau pays continue d’entraîner cette impression de découverte d’un territoire inconnu.
Comme les premiers explorateurs et les missionnaires qui écrivaient à leurs commanditaires européens pour les informer de leurs observations et de leurs progressions dans la découverte du nouveau territoire, le roman Les Lettres chinoises de Ying Chen présente la correspondance entre Yuan, un étudiant chinois qui arrive à Montréal, et Sassa, sa copine restée à Shanghai. Dans les deux extraits présentés, Yuan décrit son arrivée à Montréal et ses impressions des rues de la métropole, tout en faisant des liens avec des éléments familiers de sa vie en Chine. Il espère ainsi convaincre Sassa de le rejoindre.
Lorsque l’avion est arrivé tard hier soir au-dessus de Montréal, j’ai eu un étourdissement. C’était à cause des lumières. De splendides lumières de l’Amérique du Nord. Des lumières qu’on ne trouve pas chez nous. Je me croyais tombé dans un monde irréel. J’avais les yeux éblouis et le souffle oppressé, Sassa : tout comme quand, un soir d’été devant l’entrée du collège à Shanghai, tu m’avais regardé en face et souri pour la première fois.
La ville était couverte d’une épaisse neige de janvier. Mais je sentais une chaleur monter très haut, monter jusqu’à envelopper doucement l’avion.
Yuan,
de Montréal
Plusieurs endroits à Montréal me font penser à Shanghai : en plus des vieilles maisons à deux ou trois étages, il y a des vitrines élégantes, des restaurants chinois dans tous les coins de la ville, un pavillon que les Shanghaïens ont construit au jardin botanique. Et tu trouveras dans les rues d’ici plus de couleurs, plus de vert surtout, plus de musique douce ou folle, plus de gâteaux occidentaux que tu adores…
Yuan,
de Montréal
La répartition géographique
La population du Québec est supérieure à neuf millions d’habitants, mais la province affiche une densité de population plutôt basse avec 5,4 habitants par km2. Il faut toutefois contredire le mythe de « ma cabane au Canada », selon lequel la majorité de la population vit au beau milieu de la forêt, de la nature, de la campagne et des grands espaces. En réalité, au Québec, comme ailleurs au Canada, la population vit principalement dans les villes, et surtout dans les grandes villes qui longent le fleuve Saint-Laurent.
C’est le cas de la ville de Montréal, qui a été fondée en 1642, donc environ trente ans après la ville de Québec. Montréal fut pendant de nombreuses années la métropole du Canada. Si elle a perdu ce titre au profit de la ville de Toronto, elle est toutefois demeurée la métropole du Québec.

Outre Montréal, la ville de Québec est la deuxième ville d’importance de la province. Encore aujourd’hui, c’est son caractère historique qui fait son charme. Les autres villes où l’on retrouve une population relativement importante sont Gatineau (région de l’Outaouais), Sherbrooke (région de l’Estrie), Saguenay (région du Saguenay–Lac-Saint-Jean), Trois-Rivières (région de la Mauricie), Rimouski (région du Bas-Saint-Laurent) et Rouyn-Noranda (région de l’Abitibi). Toutes ces villes accueillent d’ailleurs une université.
La répartition géographique
La population du Québec est supérieure à neuf millions d’habitants, mais la province affiche une densité de population plutôt basse avec 5,4 habitants par km2. Il faut toutefois contredire le mythe de « ma cabane au Canada », selon lequel la majorité de la population vit au beau milieu de la forêt, de la nature, de la campagne et des grands espaces. En réalité, au Québec, comme ailleurs au Canada, la population vit principalement dans les villes, et surtout dans les grandes villes qui longent le fleuve Saint-Laurent.
C’est le cas de la ville de Montréal, qui a été fondée en 1642, donc environ trente ans après la ville de Québec. Montréal fut pendant de nombreuses années la métropole du Canada. Si elle a perdu ce titre au profit de la ville de Toronto, elle est toutefois demeurée la métropole du Québec.

Outre Montréal, la ville de Québec est la deuxième ville d’importance de la province. Encore aujourd’hui, c’est son caractère historique qui fait son charme. Les autres villes où l’on retrouve une population relativement importante sont Gatineau (région de l’Outaouais), Sherbrooke (région de l’Estrie), Saguenay (région du Saguenay–Lac-Saint-Jean), Trois-Rivières (région de la Mauricie), Rimouski (région du Bas-Saint-Laurent) et Rouyn-Noranda (région de l’Abitibi). Toutes ces villes accueillent d’ailleurs une université.
L’opposition entre la ville et la campagne
Dans la conscience des Québécois de la campagne du XIXe siècle, la ville représente un lieu maudit ou de perdition. Selon cette mentalité forgée en partie par l’Église catholique, ceux qui quittent la campagne, leurs ancêtres, leur famille et leur terre pour aller vivre et travailler en ville se condamnent à coup sûr à la misère morale et matérielle. Il est vrai que la ville constitue alors une grande tentation pour ceux qui rêvent d’une vie meilleure. Quand Lorenzo Surprenant, l’un des prétendants de Maria Chapdelaine, dans le roman éponyme, décrit les grandes métropoles des États-Unis, Maria imagine aisément « les larges rues illuminées, les magasins magnifiques, la vie facile, presque sans labeur, emplie de petits plaisirs[1] ». En effet, les villes, qui subissent de profondes modifications en s’industrialisant, entre 1850 et 1920, attirent la population rurale du Québec.
Les Québécois seront d’ailleurs plus nombreux en ville qu’à la campagne à partir des années 1920. Le travail rémunéré, facile à trouver, et les nouveaux emplois constituent à leurs yeux un grand avantage. Les propriétaires des usines cherchent une main-d’œuvre non qualifiée prête à travailler dur en échange d’une paie régulière. Les jeunes agriculteurs, souvent en surnombre, quittent les campagnes et s’installent dans des maisons construites spécialement pour eux et situées dans des quartiers ouvriers à proximité des lieux de travail. Ils gagnent leur vie, mais vivent dans des logements mal chauffés et sans électricité, souvent insalubres.

Rue Saint-Jacques, Montréal, vers 1910
Photographie anonyme
Musée McCord, MP-1978.207.1
Source : Wikipédia
Une nouvelle couche sociale apparaît, celle des ouvriers dont les conditions de vie se distinguent nettement de celles de la classe aisée. Le quartier montréalais de Saint-Henri, où habite la famille de Florentine Lacasse, l’héroïne du roman Bonheur d’occasion de Gabrielle Roy, constitue un excellent exemple de ces ouvriers issus des campagnes. Les bourgeois, quant à eux, se regroupent dans les zones résidentielles du mont Royal, où ils font construire des villas opulentes.
L’opposition entre la vie en ville et la vie à la campagne est donc un thème récurrent de la littérature québécoise de la seconde moitié du XIXe siècle. De fait, le roman que l’on dit « du terroir », puisqu’il défend le mode de vie rural, domine la production littéraire jusqu’en 1945.
L’opposition entre la ville et la campagne
Dans la conscience des Québécois de la campagne du XIXe siècle, la ville représente un lieu maudit ou de perdition. Selon cette mentalité forgée en partie par l’Église catholique, ceux qui quittent la campagne, leurs ancêtres, leur famille et leur terre pour aller vivre et travailler en ville se condamnent à coup sûr à la misère morale et matérielle. Il est vrai que la ville constitue alors une grande tentation pour ceux qui rêvent d’une vie meilleure. Quand Lorenzo Surprenant, l’un des prétendants de Maria Chapdelaine, dans le roman éponyme, décrit les grandes métropoles des États-Unis, Maria imagine aisément « les larges rues illuminées, les magasins magnifiques, la vie facile, presque sans labeur, emplie de petits plaisirs[1] ». En effet, les villes, qui subissent de profondes modifications en s’industrialisant, entre 1850 et 1920, attirent la population rurale du Québec.
Les Québécois seront d’ailleurs plus nombreux en ville qu’à la campagne à partir des années 1920. Le travail rémunéré, facile à trouver, et les nouveaux emplois constituent à leurs yeux un grand avantage. Les propriétaires des usines cherchent une main-d’œuvre non qualifiée prête à travailler dur en échange d’une paie régulière. Les jeunes agriculteurs, souvent en surnombre, quittent les campagnes et s’installent dans des maisons construites spécialement pour eux et situées dans des quartiers ouvriers à proximité des lieux de travail. Ils gagnent leur vie, mais vivent dans des logements mal chauffés et sans électricité, souvent insalubres.

Rue Saint-Jacques, Montréal, vers 1910
Photographie anonyme
Musée McCord, MP-1978.207.1
Source : Wikipédia
Une nouvelle couche sociale apparaît, celle des ouvriers dont les conditions de vie se distinguent nettement de celles de la classe aisée. Le quartier montréalais de Saint-Henri, où habite la famille de Florentine Lacasse, l’héroïne du roman Bonheur d’occasion de Gabrielle Roy, constitue un excellent exemple de ces ouvriers issus des campagnes. Les bourgeois, quant à eux, se regroupent dans les zones résidentielles du mont Royal, où ils font construire des villas opulentes.
L’opposition entre la vie en ville et la vie à la campagne est donc un thème récurrent de la littérature québécoise de la seconde moitié du XIXe siècle. De fait, le roman que l’on dit « du terroir », puisqu’il défend le mode de vie rural, domine la production littéraire jusqu’en 1945.
Les romans du terroir
Le roman du terroir est un roman à thèse, véhiculant l’idéologie conservatrice de l’Église catholique, selon laquelle la survie du peuple canadien-français passe par sa fidélité à sa foi, à sa langue et à sa patrie, et par un attachement à sa famille et à ses racines paysannes. Le héros de ce type de roman est – ou aspire à devenir – un propriétaire terrien soucieux de la transmission des valeurs familiales et désireux de se tenir à l’écart des vaines agitations de l’industrialisation et des périls du progrès et de la ville moderne.
La suite romanesque Jean Rivard, le défricheur (1874) et Jean Rivard, économiste (1876) d’Antoine Gérin-Lajoie appartient à ces romans du terroir qui associent patriotisme, passéisme et survivance de la nation. La ville y est décrite, par le personnage du curé de Grandpré, comme un lieu de perdition.
La vie des villes expose à toutes sortes de dangers. Sur le grand nombre de jeunes gens qui vont y étudier des professions, ou y apprendre le commerce, bien peu, hélas ! savent se préserver de la contagion1 du vice. Ils se laissent entraîner au torrent2 du mauvais exemple. Puis, dans les grandes villes, voyez-vous, les hommes sont séparés pour ainsi dire de la nature; l’habitude de vivre au milieu de leurs propres ouvrages les éloigne de la pensée de Dieu. S’ils pouvaient comme nous admirer chaque jour les magnificences3 de la création, ils s’élèveraient malgré eux jusqu’à l’auteur de toutes choses, et la cupidité4, la vanité5, l’ambition6, les vices qui les tourmentent sans cesse n’auraient plus autant de prise sur leurs cœurs…
1 contagion : transmission d’une maladie
2 torrent : chute d’eau à débit rapide et irrégulier
3 magnificences : choses d’une grande beauté
4 cupidité : amour, désir immodéré pour l’argent, la richesse
5 vanité : amour, satisfaction de soi, orgueil
6 ambition : désir de performer, de réussir de grandes choses

Ce roman contribue à l’entreprise cléricale qui vise à mettre fin à l’émigration massive des Canadiens français vers les villes manufacturières de la Nouvelle-Angleterre. Jean Rivard incarne alors un modèle pour les jeunes Canadiens français que le curé Antoine Labelle cherche à attirer dans l’aventure de la colonisation de régions telles que l’Outaouais et les Laurentides dans les années 1870-1880.
MONUMENT À JEAN RIVARD PAR LE SCULPTEUR ALFRED LALIBERTÉ
Alfred Laliberté est un des premiers diplômés de l’École des beaux-arts de Montréal.
Il a contribué de façon remarquable à l’art monumental du Québec : on lui doit, entre autres, le Monument aux Patriotes, inauguré en 1926 au Pied-du-Courant à Montréal.
En 1928, le gouvernement lui commande 214 petits bronzes devant représenter les légendes, les coutumes et les métiers traditionnels de la province. Depuis sa première commande jusqu’à la fin de sa vie, le travail de Laliberté cherche à représenter l’histoire et la culture du Québec. Le Monument en l’honneur de Jean Rivard qu’il réalise en 1935 à Plessisville,
dans la région du Centre-du-Québec, en est un bon exemple.
Cette statue témoigne de l’importance, dans l’imaginaire québécois, de ce personnage de fiction qui incarne le travail pour la survie de la nation canadienne-française.
Alfred Laliberté, Monument Jean-Rivard, 1935
Plessisville
Photo : Chantale Lincourt
C’est toutefois le Breton Louis Hémon, avec son fameux roman Maria Chapdelaine, qui donne au Québec le récit qui symbolisera pour longtemps l’instinct de survivance des Québécois et qui marquera durablement la représentation que les Français se font du Canada. Publié en 1916, ce roman illustre la vie dans la région du Lac-Saint-Jean au début du XXe siècle et présente les aspirations, les obligations, les choix et les réa-lités de la jeunesse québécoise catholique. Trois hommes offrent à Maria de l’épouser, chacun représentant un mode de vie particulier : la vie sereine mais ingrate sur la terre; la vie trépidante mais périlleuse (pour l’âme et la vertu) des grandes villes américaines; la vie sauvage du coureur des bois. La résignation de Maria – car, si elle opte pour la terre, c’est finalement moins par choix que par devoir (celui de faire perdurer la nation canadienne-française) – incarne parfaitement les valeurs du terroir.
Clarence Gagnon, Récolter, 1928/1933
Illustration du roman Maria Chapdelaine
Paris, Édition Mornay, 1933

Le réalisme urbain
Au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, le roman, comme l’imaginaire québécois, quitte la campagne pour arriver en ville. L’année 1945 est une année marquante dans l’histoire de la littérature québécoise : y paraissent successivement les romans Le Survenant de Germaine Guèvremont, qui présente un personnage principal nomade s’opposant à la sédentarité prônée par le terroir, et Bonheur d’occasion de Gabrielle Roy (prix Femina, 1947), premier roman du réalisme urbain.
Gabrielle Roy, dont la famille est d’origine québécoise, naît et grandit au Manitoba dans un environnement francophone. Après un séjour à Paris, elle s’installe à Montréal en 1939, où elle observe alors les habitants du quartier ouvrier de Saint-Henri dont elle dépeint, de manière réaliste, les réalités dans Bonheur d’occasion. Elle y présente notamment la condition des femmes de classe modeste ou populaire qui y vivent, ainsi que la détresse des hommes qui, privés de travail, choisissent de s’enrôler pour le salaire, bien plus que pour le combat.
Dans les romans des années 1940 et 1950, la ville n’apparaît donc pas comme un lieu d’épanouissement et d’élévation sociale pour les personnages canadiens-français qui s’y installent et cherchent à s’adapter à l’industrialisation qui va de pair avec l’urbanisation. Le roman Poussière sur la ville d’André Langevin (1953) est à cet égard révélateur. Il raconte la difficile adaptation du docteur Dubois et, surtout, de sa femme Madeleine dans la ville minière de Macklin, sous laquelle on reconnaît la ville réelle de Thetford Mines.

Gabrielle Roy, Bonheur d’occasion,
Éditions du Boréal, 2009.
Illustration de la couverture : Allan Harrison, Neige à Saint-Henri (détail), 1980.
Vers six heures de l’après-midi, le lendemain de notre arrivée. Le visage maussade1 de Madeleine dans le crachin2 qui enveloppait la ville d’un morne3 ennui.
– À Macklin, il pleut toujours, devait-elle me dire souvent par la suite d’une voix lasse.
La ville est construite au fond d’une cuvette4. De trois côtés, des collines l’écrasent […]. Du côté nord, elle s’achève sur un lac pas très grand, lui-même encaissé dans les collines. Tous les nuages qui passent au-dessus de la ville y éclatent, semble-t-il. Et même les matins ensoleillés, le brouillard noie longtemps Macklin, si bien qu’il faut regarder au sommet des collines pour savoir s’il fait beau. […]
Que la ville fût laide, affreusement, elle le savait […]. Toutes les maisons ont l’aspect minable5 de bâtiments de mine, les couleurs délavées6 par la poussière d’amiante qui n’épargne rien, même pas la maigre végétation. […] L’unique grande rue, où sont construites les trois quarts des habitations, se paie une orgie7 de néons qui réussissent à percer par intermittence8 la grisaille générale. La rue Green s’amorce, étroite et tortueuse, par un angle droit à une extrémité de la ville et se termine par une route large et rectiligne à l’autre bout, devant le collège des frères. Notre appartement se trouve dans l’ancienne partie, près de la gare et d’un immense cratère9 aux parois stratifiées10 qui est une ancienne mine à ciel ouvert.
1 maussade : triste
2 crachin : pluie fine
3 morne : terne, sans éclat
4 cuvette : en forme de cuve, de bol
5 minable : médiocre, lamentable
6 délavé : dont la couleur s’estompe
7 orgie de (fig.) : profusion, excès
8 par intermittence : de façon non continue, de temps en temps
9 cratère : grand trou creusé dans le sol
10 parois stratifiées : murs sur lesquels on perçoit différentes couches
Rue Smith à Thetford Mines
Centre d’archives de la région de Thetford
Fonds George Washington Smith

LA VILLE, SOURCE D'INSPIRATION
À partir des années 1940, le Québec commence à se moderniser sous l’effet de l’industrialisation d’après-guerre et de l’influence commerciale et culturelle des États-Unis. Les artistes s’inspirent alors de plus en plus de la vie en ville et du paysage urbain, principalement montréalais. Le peintre Adrien Hébert trouve dans la ville moderne son sujet de prédilection. Inspiré par les grues et les élévateurs à grains du port de Montréal, il donne à voir la vitalité et l’optimisme de la ville. Les peintres juifs venus d’Europe de l’Est, comme Louis Muhlstock, Ernst Neumann ou Rita Briansky, sont aussi très actifs entre 1930 et 1948 pour représenter le Montréal urbain de l’entre-deux-guerres.
Du côté du cinéma, Gilles Carle, avec La vie heureuse de Léopold Z tourné en 1963, signe un très beau film sur un déneigeur de rues aux prises avec son travail et son rôle de mari lors de la fête de Noël. À travers l’éclairage des rues et des appartements de Montréal, Carle jette un regard lumineux sur la ville. D’un point de vue plus sombre, Jean-Claude Lauzon propose, avec Un zoo la nuit (1987), un regard cru sur une relation père-fils souffrante au sein du milieu marginal et violent de la drogue et de la prison. Montréal, ses ruelles, ses lofts et ses quartiers ouvriers y sont décrits dans toute leur actualité et leur brutalité.

Adrien Hébert (Paris, 1890-Montréal, 1967)
Angle Peel et Sainte-Catherine, vers 1948
Huile sur toile, 76,5 x 101,5 cm
Musée des beaux-arts de Montréal,
don anonyme à l’occasion du 150e anniversaire du Musée
Photo : MBAM, Christine Guest

Pour en savoir plus : Texte d’Esther Pelletier sur le cinéma québécois
Activité pédagogique complémentaire : Les peintres de la ville (Marc-Aurèle Fortin, Adrien Hébert, Jean Paul Lemieux)
La rivalité Montréal-Québec
La culture québécoise est marquée par une rivalité entre ses deux villes principales : Montréal, la métropole économique et culturelle, et Québec, la ville historique et politique. Cette rivalité s’incarne tout particulièrement dans le sport, notamment au football universitaire entre les Carabins de l’Université de Montréal et le Rouge et Or de l’Université Laval à Québec, mais surtout au hockey entre les Canadiens de Montréal et les Nordiques de Québec, équipe qui a déménagé au Colorado en 1995, mais que les gens de Québec rêvent toujours de voir revenir.
Cette rivalité légendaire a fait l’objet, en 2010, d’une téléréalité opposant deux équipes de hockey, l’une représentant Québec, l’autre représentant Montréal. Deux chansons ont été composées spécialement pour cette série, chacune mettant bien en lumière les spécificités de chacune des deux villes.

Logo de la série
Montréal-Québec
Productions J, 2010.
LE SAVIEZ-VOUS ?
QUESTION DE VOCABULAIRE
Pour distinguer la ville de la province, il faut faire attention au déterminant :
Je viens de Québec (la ville), mais je viens du Québec (la province).
J’ai visité Québec (la ville), mais j’ai visité le Québec (la province).

- Découvrir Maria Chapdelaine, L’amour au temps du terroir, Nomades ou sédentaires
(Maria Chapdelaine de Louis Hémon)
- Les classiques du terroir (films Maria Chapdelaine et Séraphin)
- Les peintres de la vie rurale (Clarence Gagnon et Marc Aurèle de Foy Suzor-Côté)
- Les peintres de la ville (Marc-Aurèle Fortin, Adrien Hébert, Jean Paul Lemieux)
- Les amours de Florentine (film Bonheur d'occasion d'après le roman de Gabrielle Roy)
- La Vieille capitale (texte de Gilles Galichan)
- Montréal ou Québec : et le gagnant est… (chansons de la série Montréal-Québec)
[1] Louis Hémon, Maria Chapdelaine, Bibliothèque électronique de Québec, [1913], p. 241.