
Le mode de vie et le quotidien
Au-delà de l'expression artistique, la culture englobe aussi les us et coutumes d’une société qui définissent les relations entre ses membres. Le mode de vie des Québécois est aujourd’hui assez similaire au mode de vie nord-américain influencé par le capitalisme et la multiplication des technologies. Néanmoins, le Québec possède également des spécificités culturelles en raison de sa géographie et de son histoire. Ainsi, lorsqu’on consulte des ouvrages sur le Québec publiés à l’étranger, certaines constantes ressortent qui, si elles relèvent de stéréotypes sur la province, n’en sont pas moins révélatrices. Parmi celles-ci, on retrouve évidemment la neige, l’érable et le hockey. Il est vrai que la vie des Québécois est fortement influencée par les saisons, et notamment par l’hiver, sa neige et son froid, mais aussi ses sports et sa cuisine réconfortante.
Les saisons
Les saisons, la température, le climat, la météo, le temps qu’il fait… Peu importe comment on le nomme, ce sujet de conversation est un des préférés des Québécois. Avec des écarts de température qui vont de -30 °C l’hiver à 30 °C l’été, les habitants de la province doivent savoir s’adapter.
S’il est une saison qui détermine le mode de vie, mais peut-être aussi la personnalité des Québécois, c’est bien l’hiver. S’étendant du 21 décembre au 20 mars, l’hiver québécois se caractérise par des températures inférieures au point de congélation (moyenne de -8 à -10 °C en janvier et février) et des précipitations sous forme de neige qui peuvent cumuler 30 à 40 cm par mois. Une fois accumulée, cette neige forme des « bancs de neige » (congères) de plus d’un mètre de haut. Outre le pelletage (action d’enlever la neige à l’aide d’une pelle), les Québécois pratiquent plusieurs sports d’hiver, dont le ski alpin, le ski de fond, la planche à neige et la raquette. Ils s’adonnent même à la pêche sur la glace et préfèrent, pour se déplacer en région enneigée, la motoneige au traîneau à chiens, activité folklorique plutôt prisée par les touristes.

Pêche blanche
© Domaine du Lac St-Pierre
Une autre attraction touristique unique à l’hiver québécois est l’hôtel de glace érigé chaque année depuis 2001 à Saint-Gabriel-de-Valcartier, au nord de la ville de Québec. Cette construction éphémère comprend, selon les éditions, une trentaine de chambres, un bar, un foyer, une glissade et un spa. C’est aussi dans la ville de Québec, au mois de février, qu’a lieu le plus important carnaval hivernal au monde, le Carnaval de Québec, créé en 1955, qui accueille chaque hiver jusqu’à 500 000 carnavaliers. On y retrouve des défilés, des courses de canots à glace, des bains de neige, une glissade urbaine, des soirées musicales et, bien sûr, le Bonhomme Carnaval, mascotte du festival.
Naturellement, le thème de l’hiver hante la culture et la littérature québécoises. Gilles Vigneault l’affirme clairement : « Mon pays, ce n’est pas un pays, c’est l’hiver[1] » et les peintures de Jean-Paul Lemieux illustrent parfaitement la solitude oppressante des individus et le calme serein presque insupportable de la nature à la saison morte. C’est cette même lassitude hivernale que l’on retrouve dans un des plus célèbres poèmes de la littérature québécoise, « Soir d’hiver » d’Émile Nelligan, dans lequel le climat extérieur fait écho aux sentiments intérieurs du poète.


Jean Paul Lemieux, Le train de midi, 1956
huile sur toile, 63 x 110,5 cm
Acheté en 1957, Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa. Photo : MBAC
Jean Paul Lemieux, Le visiteur du soir, 1956
huile sur toile, 80,4 x 110 cm
Acheté en 1956, Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa. Photo : MBAC
Ah ! comme la neige a neigé !
Ma vitre est un jardin de givre1.
Ah ! comme la neige a neigé !
Qu’est-ce que le spasme2 de vivre
À la douleur que j’ai, que j’ai !
Tous les étangs gisent3 gelés,
Mon âme est noire : Où vis-je ? où vais-je ?
Tous ses espoirs gisent gelés :
Je suis la nouvelle Norvège
D’où les blonds ciels s’en sont allés.
Pleurez, oiseaux de février,
Au sinistre4 frisson des choses,
Pleurez, oiseaux de février,
Pleurez mes pleurs, pleurez mes roses,
Aux branches du genévrier5.
Ah ! comme la neige a neigé !
Ma vitre est un jardin de givre1.
Ah ! comme la neige a neigé !
Qu’est-ce que le spasme2 de vivre
À tout l’ennui que j’ai, que j’ai !

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1 givre : mince couche de glace
2 spasme : contraction des muscles brusque et involontaire
3 ils gisent (verbe gésir) : être étendu sans mouvement
4 sinistre : qui présage le malheur, qui provoque la tristesse, lugubre
5 genévrier : arbuste
LE SAVIEZ-VOUS ?
Émile Nelligan, né en 1879, a écrit l’entièreté de son œuvre entre l’âge de 16 et 19 ans,
avant d’être interné par son père pour des troubles psychiatriques. Il ne sortira plus de l’hôpital,
où il récitera ses poèmes de mémoire à ses intervenants et ses visiteurs jusqu'à sa mort en 1941.
Son destin devient rapidement un mythe tragique dans l’histoire de la littérature québécoise.
Michel Tremblay et André Gagnon en ont même fait un opéra en 1990.
Après l’hiver vient le printemps. À la fonte des neiges, c’est la saison des sucres qui s’amorce pour les Québécois : on fait une entaille dans l’écorce des érables pour en récolter la sève sucrée qu’on fait bouillir pour en faire du sirop et d’autres produits dérivés. Certains acériculteurs (producteurs de sirop d’érable) possèdent des cabanes à sucre, restaurants où l’on déguste le sirop accompagné d’omelettes, de pommes de terre, de cretons (porc haché cuit dans de la graisse) et d’oreilles de christ (grillades de lard salé), avec, pour dessert, des crêpes ou du pouding chômeur.
Cabane à Sucre Handfield,
Saint-Marc-sur-Richelieu

pouding chômeur à la crème d’érable
Recette tirée du site Érable du Québec
Érable du Québec, [en ligne] (consulté le 28 janvier 2025).
INGRÉDIENTS
Sauce crémeuse à l’érable
- 250 ml de sirop d’érable (de préférence ambré pour son goût riche)
- 250 ml de crème 35 %
- 50 g de beurre
Gâteau chômeur
- 205 g de farine
- 5 g de levure chimique (poudre à pâte)
- 1 g de sel
- 50 g de beurre à température ambiante
- 150 g de sucre d’érable
- 250 ml de lait
Préparation : 25 min.
Cuisson : 45 min.
Portions : 8

Source : Érable du Québec;
@erableduquebec
PRÉPARATION
- Préchauffer le four à 180 °C (350 °F). Beurrer un moule à gâteau carré d’environ 20 cm (8 po). Réserver.
Sauce crémeuse à l’érable
- Dans une casserole, combiner le sirop d’érable, la crème et le beurre. Porter à ébullition et laisser bouillir 2 minutes. Réserver au chaud.
Gâteau chômeur
- Dans un bol, tamiser ensemble la farine, la levure chimique et le sel. Réserver.
- Dans un autre bol, crémer le beurre au batteur électrique. Incorporer graduellement le sucre d’érable jusqu’à l’obtention d’une consistance onctueuse. Ajouter en alternance le mélange de farine et le lait tout en remuant.
- Verser la pâte dans le moule. Verser doucement le sirop chaud sur la pâte et cuire au four 45 minutes. Servir chaud, tiède ou froid.
L’été au Québec, c’est la saison des festivals. Festival d’été de Québec, Festival en chanson de Petite-Vallée ou International des Montgolfières à Saint-Jean-sur-Richelieu, on célèbre partout dans la province. Mais c’est surtout la ville de Montréal qui est réputée pour sa « saison des festivals ». De mai à octobre, il y a en a pour tous les goûts : arts visuels, cirque, humour, danse, musique jazz, rock, électro, country, classique…
Une autre raison de festoyer l’été au Québec est la Fête nationale de la province, la Saint-Jean-Baptiste, qui a lieu le 24 juin. Pour l’occasion, chanteurs et chansonniers offrent des spectacles où est mise à l’honneur la musique québécoise. Des feux de joie sont aussi allumés, autour desquels les gens célèbrent, en buvant souvent une bière d’une des multiples microbrasseries qui se sont développées ces dernières années. Le Mondial de la bière, qui se tient à Montréal depuis 1994, est d’ailleurs le plus important festival de bières internationales en Amérique du Nord, et les bières de microbrasseries québécoises y sont bien représentées.

« Le Mondial de la bière revient à Montréal », Voir.ca, 2 mai 2019
Photo : Olivier Bourget
QUELQUES FESTIVALS D’ÉTÉ
MONTRÉALAIS[2]
- Piknic Électronique
- Festival TransAmériques
- Festival Go vélo Montréal
- International des Feux Loto-Québec
- Festival MURAL
- Francos (ou Francofolies)
- Mondial de la bière
- Festival international de Jazz
- Montréal complètement cirque
- Festival des Nuits d’Afrique
- Festival Juste pour rire
- Festival Fierté Montréal
- Festival Présence autochtone
- Festival ÎleSoniq
- La Virée classique
- LASSO Montréal
- Festival TRAD
- Festival Quartiers Danses
Enfin, l’automne, c’est la saison des pommes, puis celle des couleurs. À la mi-septembre, il est d’usage, au Québec, d’« aller aux pommes », c’est-à-dire d’aller faire l’autocueillette de pommes dans les vergers situés, pour plusieurs, sur la rive nord du Lac des Deux-Montagnes et sur la rive-sud, en Montérégie. Puis, un mois plus tard, au moment où les feuilles des arbres se mettent à jaunir et à rougir, les Québécois se ruent dans les Laurentides ou en Estrie pour « voir les couleurs ». Les montagnes resplendissent en effet à ce moment de l’année, comme l’évoquent bien ces vers d’un poème de Georges Dor :
« tu deviendrais fou Van Gogh […]si tu voyais nos forêts en octobre
si tu voyais toutes ces couleurs
dans le soleil invraisemblable[3] ».

Vue du mont Tremblant
Photo : Sophie Dubois
La cuisine
Le sirop d’érable et les pommes font certes partie des aliments fétiches des Québécois : on en fait des desserts, comme le pouding chômeur, les tartes au sucre ou aux pommes, les croustades ou la tire, mais on en fait aussi des alcools, dont des boissons à la crème, des gins et des whiskys à l’érable, ou encore des cidres de glace, conçus à partir de pommes entières ou de jus de pommes exposés au gel extérieur.
Plusieurs autres mets composent la tradition culinaire québécoise, dont la tourtière, le pâté chinois et la fameuse poutine. Quelques spécialités régionales se démarquent aussi, comme les bleuets du Saguenay-Lac-Saint-Jean, les crevettes de Matane ou les bagels de Montréal.


Les cidres de glace du Québec font l’objet d’une appellation réservée qui certifie l’authenticité du produit.
cidreduquébec.com
Neige, cidre de glace
de la Cidrerie Milton, 375 ml
Image : site de la SAQ

Poutine de chez Ashton
Le plat emblématique du Québec demeure cependant la poutine. Celle-ci jouit même de son propre festival, le Festival de la poutine de Drummondville. Il s’agit simplement d’un plat de pommes de terre frites, recouvertes de fromage en grains et nappées d’une sauce brune salée. Bien qu’elle appartienne à la catégorie du fast-food, on trouve de la poutine dans une grande variété de restaurants, dans sa version traditionnelle ou avec des variantes plus gastronomiques. Elle se mange tout autant le midi sur une terrasse ensoleillée que la nuit après une soirée passée au bar.
Le chanteur et musicien satirique Mononc’ Serge rend hommage à ce plat typiquement québécois qu’est la poutine dans sa chanson «C’est bon les patates».
J’avais une terre à Ste-Agathe
Où j’faisais pousser des patates
J’avais une vache d’ins1 pâturages
Qui me donnait du bon fromage
Faque2 j’ai monté sur ma moto
J’ai roulé jusqu’au Provigo3
J’me suis acheté d’la sauce en canne
Puis j’suis remonté sur ma bécane4
En chantant…
Ah ! C’est bon les patates
C’est bon dedans le bedon5
Bon comme Buffalo Bill qui vise dans l’mille. Boum ! Boum !
Pis qui abat son bison
Avec des p’tites crottes de fromage6
Ça descend dans ton œsophage
Arrosé de sauce BBQ
C’est doux, doux, doux dans l’estomac
Ah ! C’est bon les patates
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1 d’ins : dans les
2 faque : ça fait que, donc
3 Provigo : chaîne d’épiceries
4 bécane (fam.) : moto
5 bedon (fam.) : ventre
6 crottes de fromage (ou fromage en crottes) : fromage en grains;
crottes de fromage peut aussi désigner une grignotine commerciale faite de farine de maïs de couleur orange vif au goût de fromage.
LA CUISINE DANS LE CINÉMA QUÉBÉCOIS
La cuisine ne concerne pas que l’alimentation. Elle est aussi une pièce de la maison où, historiquement, les familles québécoises constituées de plusieurs membres vivaient. Du matin au soir, on y préparait les repas, lavait les vêtements, faisait de la couture ou du tricot, recevait les visiteurs… Par conséquent, la cuisine a longtemps été le lieu de prédilection de la cinématographie québécoise, si bien que, dans les années 1970, on parlait de « films de cuisine ».
Dans des films comme Mon oncle Antoine (1971), La vraie nature de Bernadette (1972), Les Plouffe (1981), Les Bons Débarras (1980)
ou Le déclin de l’Empire américain (1986), et encore récemment dans les films de Xavier Dolan, la cuisine est le lieu de « jasettes » (conversation souvent de peu d’importance), mais aussi de discussions vives et animées, quand ce n’est pas de chicanes (disputes)
entre les membres d’une même famille.
Plusieurs de ces films peuvent être visionnés sur le site Éléphant : mémoire du cinéma québécois
Le hockey
Sport national des Québécois, le hockey est plus qu’une simple activité physique pratiquée l’hiver dans les arénas ou sur les lacs gelés. Le hockey forge une bonne part de l’identité et de la culture québécoises, notamment grâce à l’attachement des Québécois pour leur équipe, les Canadiens de Montréal (aussi appelé le « CH » de son nom officiel : le Club de hockey Canadien). Créée en 1909, elle est la plus ancienne équipe de hockey professionnelle et fait partie des six premières équipes qui ont formé, en 1917, la Ligue nationale de hockey (LNH), ligue que les Canadiens ont dominée en remportant 24 fois la coupe Stanley. Des joueurs marquants, comme Maurice «Rocket» Richard, Jean Béliveau, Guy Lafleur ou Patrick Roy, ont marqué l’histoire du club et sont devenus des légendes québécoises.

Les Boys de Louis Saia, Melenny Production, 1997
Au cinéma, des films comme Maurice Richard de Charles Binamé (2005) ou la série Les Boys de Louis Saia ont été parmi les plus gros succès commerciaux des dernières années. Dans le genre de la comédie, les cinq longs métrages (entre 1997 et 2013) ainsi que la télésérie Les Boys (2007-2012) présentent l’histoire d’une équipe non professionnelle (une équipe de « ligue de garage ») composée d’hommes de divers milieux qui se réunissent pour pratiquer leur sport, mais aussi pour partager leurs bons et leurs mauvais coups. Les personnalités flamboyantes de ces personnages ont donné au Québec quelques répliques cultes empreintes d’une grande sagesse populaire, parmi lesquelles : « la dureté du mental », qui évoque la force psychologique requise pour traverser les épreuves, et « dans mon livre à moi », expression utilisée pour énoncer une opinion toute personnelle.
En littérature, le récit pour enfants Le chandail de hockey (aussi connu sous le titre Une abominable feuille d’érable sur la glace) de Roch Carrier est devenu un classique tant de la littérature québécoise que de la littérature canadienne, dans sa version anglaise. Ce succès pancanadien est paradoxal puisque l’histoire raconte les malheurs d’un jeune Québécois qui reçoit, par erreur, un chandail des Maple Leafs de Toronto, équipe détestée parce qu’elle est la principale rivale des Canadiens de Montréal. Au-delà de la rivalité, c’est la passion pour le hockey, des Québécois comme des Canadiens, des francophones comme des anglophones, qui ressort de ce récit. Jusqu’en 2013, la première phrase de cette histoire était inscrite sur les billets de cinq dollars canadiens.
Les hivers de mon enfance étaient des saisons longues, longues. Nous vivions en trois lieux : l’école, l’église et la patinoire; mais la vraie vie était sur la patinoire. […]
Tous, nous portions le même costume que [Maurice Richard], ce costume rouge, blanc, bleu des Canadiens de Montréal, la meilleure équipe de hockey au monde. Tous, nous peignions1 nos cheveux à la manière de Maurice Richard. […] Nous lacions2 nos patins à la manière de Maurice Richard. Nous mettions le ruban gommé sur nos bâtons à la manière de Maurice Richard. […]
Sur la glace, au coup de sifflet de l’arbitre, les deux équipes s’élançaient sur le disque de caoutchouc. Nous étions cinq Maurice Richard contre cinq autres Maurice Richard à qui nous arrachions le disque; nous étions dix joueurs qui portions, avec le même brûlant enthousiasme, l’uniforme des Canadiens de Montréal. Tous nous arborions3 au dos le très célèbre numéro 9.
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1 peigner : coiffer ses cheveux avec un peigne
2 lacer : attacher des lacets
3arborer : porter qqc avec fierté

Serge Lemoyne, Le cinquantième but de Lafleur, 1977
Lithographie, 63,7 x 99,5 cm, Musée national des beaux-arts du Québec
© Succession Serge Lemoyne
Serge Lemoyne peint ses tableaux à l’aide des trois couleurs des Canadiens de Montréal, le bleu, le blanc et le rouge. Il cherche ainsi à établir un lien entre le grand public et les cercles élitistes de l’art.
LE HOCKEY ET LA LANGUE QUÉBÉCOISE
« Accrocher ses patins »: prendre sa retraite; abandonner
« Être vite sur ses patins » : être vif d’esprit
« Niaiser avec la* puck »: hésiter, tergiverser
« Passe-moé la* puck »: donne-moi une chance
« La* puck (ne) roulait pas pour nous autres »:
Les conditions étaient défavorables, ce qui explique l’échec.
« Donner son 110 % »: se dépasser, aller au-delà de ses limites
« Scorer »: avoir une relation sexuelle
*L’usage du mot anglais rend le genre (masculin ou féminin) flottant :
on entendra parfois « le puck », parfois « la puck ».

Activité pédagogique complémentaire :
- Découvrir le hockey par la chanson (« Le but » de Loco Locass)
Le magasinage et les lieux du quotidien
Au xixe siècle, trois Québécois sur cinq vivent à la campagne, où le mode de vie semble invariable. L’agriculture et l’élevage sont les deux principales sources de revenus. Les cultivateurs se nourrissent de leurs récoltes et en vendent une partie pour gagner un peu d’argent. Ils peuvent alors se procurer des produits de première importance au magasin général, souvent le seul commerce de détail où les paysans et leur famille trouvent un peu de tout. Dans un article, Simon Langlois explique que
« le magasin général du village distribuait des denrées de base et une panoplie d’objets depuis les clous jusqu’au tissu à la verge. Mais la consommation était au début du [xxe] siècle le plus souvent liée à la production tant artisanale que domestique et les objets d’abord achetés pour leur utilité. On se procurait de la farine et du sucre afin de produire la nourriture au sein de l’unité familiale et les meubles étaient avant tout fonctionnels. L’ouvrier et le cultivateur cherchaient sur le marché les matières premières dont ils avaient besoin : outils, matériaux bruts, moyens de transport, animaux[4]. »

Edmond-Joseph Massicotte, Un magasin général de jadis, 1925
Photogravure et rehauts d’aquarelle, 22,4 x 31 cm
Collection du Musée national des beaux-arts du Québec. Achat en 1932 (1 934 595). Photo : MNBAQ
L’élite des campagnes et les habitants plus nantis, comme les avocats, les notaires, les médecins et les prêtres, pour leur part, se rendent en ville pour faire leurs achats dans les grands magasins, comme Eaton, Sears, Simpson ou Dupuis Frères, ou commandent leurs achats par l’entremise de catalogues. Dans Le chandail de hockey de Roch Carrier, la mère du jeune garçon adopte ce mode de consommation :
« Elle fit ce qu’elle faisait chaque fois que nous avions besoin de vêtements. Elle commença à feuilleter le catalogue que la compagnie Eaton nous envoyait par la poste chaque année. Ma mère était fière. Elle n’a jamais voulu nous habiller au magasin général; seule pouvait nous convenir la dernière mode du catalogue Eaton[5]. »
Que reste-t-il aujourd’hui de l’univers de ces grands magasins ? La rue Sainte-Catherine demeure la plus grande artère commerciale du Canada et compte, à elle seule, près de 1 200 commerces abritant les plus grands magasins de la ville[6]. Certains magasins à grande surface, comme Eaton et Dupuis Frère, ont disparu. Cependant, plusieurs nouveaux centres commerciaux, comme la Maison Simons, les Cours Mont-Royal, la Place Montréal Trust, les Promenades de la Cathédrale, le Complexe Les Ailes proposent des étalages riches et variés aux Montréalais. En périphérie de Montréal, des centres d’achats comme le Quartier Dix30 ou les Carrefour Laval attirent les gens des banlieues sud et nord. Dans la ville de Québec, la rue Saint-Joseph en Basse-Ville a été rénovée et accueille de nouveaux commerces. Pourtant, ce qui attire le plus les habitants de Québec, ce sont les trois centres commerciaux (Laurier Québec, Place de la Cité et Place Sainte-Foy) situés les uns à côté des autres, souvent considérés comme un seul gigantesque centre d’achats.
LE SAVIEZ-VOUS ?
On entend souvent dire qu’il est possible de vivre sous terre à Montréal.
Bien qu’un peu exagérée, cette affirmation provient de l’existence du RESO, le réseau piétonnier souterrain
de Montréal, dont les différentes sections cumulent 32 kilomètres de tunnels et de galeries piétonnes.
Sa section centrale, qui couvre le centre-ville, relie 7 stations de métro, 11 centres commerciaux ou grands magasins, une dizaine de tours de bureaux – dont le 1000 de la Gauchetière, plus haut édifice de Montréal –,
3 gares de train ou d’autobus, 2 hôtels, des salles de spectacles, des banques,
un aréna, une université et des complexes d'habitation.
En plus d’encourager l’usage du transport en commun, le RESO permet de circuler aisément au centre-ville,
peu importe les conditions climatiques.

Ces immenses centres d’achats sont bien éloignés des magasins généraux de jadis, qui étaient des commerces de proximité pratiques et conviviaux. Cet esprit se retrouve plutôt aujourd’hui dans les dépanneurs, ces petits commerces qu’on trouve à tous les coins de rue dans les villes du Québec. Il faut dire qu’entretemps, les habitudes des consommateurs ont évolué au point de rendre nécessaires ces « temples de la consommation », selon une expression qui souligne, de manière ironique, le caractère sacré qu’a pris aujourd’hui l’action de consommer. Pour certains (ou, plus souvent, certaines), le magasinage, comme on l’appelle au Québec, est un loisir comme un autre qui permet de sortir de la routine. C’est ce qu’aborde, avec une pointe de dérision, la chanson « Le gamasinage » de l’artiste contre-culturel Plume Latraverse.
Madame va faire ses p’tites emplettes1
L’après-midi quand y fait pas trop frette2
Ça la fait sortir d’la maison
Pis a l’aime ça comme de raison3
A peut s’mirer4 dans les vitrines
Pis porter tout c’qu’a l’imagine
Ça l’occupe pis pendant c’temps-là
A grignote moins de chocolat
Si a sort pas, a tourne en rond
Pis a peut faire une dépression
Faque5 pour occuper ses journées
Madame s’en va gamasiner6
Madame va faire ses p’tites emplettes1
C’plus fort que elle, faut qu’a l’achète !
Ça la fait sortir d’la maison
Ça la change d’la télévision
A s’promène dans le centre d’achat
Ça fait d’l’exercice pour ses pas
A l’achète toute du premier coup
Spontanément, a sort ses sous
A tripaille7 autour des comptoirs
Étourdie par tout c’qu’a peut voir
C’est surtout pour s’désennuyer
Qu’madame s’en va gamasiner6
Madame va faire ses p’tites emplettes
Avec sa grande amie Henriette
Ça la fait sortir d’la maison
Pis ça fait d’la conversation
A peut parler d’progéniture
Pis d’sa recette de confiture
Parler dans l’dos8 d’madame Bigras
Pis dire que son Jacques est trop gras
Faire des confidences à Henriette
Au comptoir de la luncheonette
C’est dans une complète liberté9
Qu’madame s’en va gamasiner6 !
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1 emplettes : achats d’usage courant
2 frette : prononciation familière de « froid »
3 comme de raison : évidemment, logiquement (comme le suggère la raison)
4 se mirer : se regarder, s’admirer
5 faque (contraction de « cela fait que ») : donc
6 gamasiner (déformation de « magasiner ») : faire du shopping, faire les boutiques
7 tripailler (néologisme) : flâner, fureter
8 parler dans le dos de qqn : médire de manière hypocrite
9 luncheonette : comptoir lunch ou petit café dans un centre commercial

Activités pédagogiques complémentaires :
- La vie après une rupture – Les lieux de la quête de soi
(« Avancez par en arrière » de Suzanne Myre) - Les lieux du quotidien (« La rue principale » des Colocs)
[1] Gilles Vigneault, « Mon pays », Gilles Vigneault à la Comédie-Canadienne, Colombia Record, 1965, 2 min. 12. Cette chanson a été écrite et composée pour le film d’Arthur Lamothe, La neige a fondu sur la Manicouagan (ONF, 1965).
[2] Le guide des festivals d’été montréalais, Tourisme Montréal, https://www.mtl.org/fr/experience/guide-des-festivals-dete-montreal (consulté le 11 octobre 2024).
[3] Georges Dor, « Maudit pays », Poèmes et chansons d’amour et d’autre chose, Montréal, Bibliothèque québécoise, 1991, p. 86.
[4] Simon Langlois, « Une mutation radicale : l’avènement de la société de consommation », Cap-aux- Diamants : la revue d’histoire du Québec, no 59, 1999, p. 11.
[5] Roch Carrier, avec des illustrations de Sheldon Cohen, Le chandail de hockey, Montréal, Les Éditions Petit Homme, 2019 [1979].
[6] « Rue Sainte-Catherine (Montréal) », Wikipédia (consulté le 24 octobre 2024)